Image satellite des panaches sédimentaires exportés par les fleuves du Var et de la Roya (03/10/2020) après l'événement Alex. La continuité du signal terre-mer explique pourquoi les sédiments marins enregistrent l’érosion des montagnes.© European Union, Copernicus Sentinel-2 Imagery

L’impact non linéaire des glaciations sur l'érosion des Alpes

Résultats scientifiques Terre et Univers

Façonnant les paysages, l'érosion joue également un rôle de régulateur climatique à l’échelle des temps géologiques car ce processus pompe le CO2 de l’atmosphère. En retour, l’érosion est dépendante des fluctuations climatiques, et ce à toutes les échelles de temps. L'impact direct de ces fluctuations climatiques reste néanmoins très controversé, en raison d’un manque de données continues robustes.

Pour mieux comprendre comment l'érosion réagit aux fluctuations climatiques, des chercheurs du CRPG et de l’IFREMER Brest ont reconstitué l’histoire de l’érosion des Alpes du Sud (Bassin du Var) à l’aide de deux carottes sédimentaires prélevées en Méditerranée, à 2000 mètres de profondeur. Ces échantillons fournissent des informations sur les derniers 75 000 ans, éclairant ainsi la majeure partie de la dernière période glaciaire, de la déglaciation et de l’Holocène, dont le climat tempéré est similaire au climat actuel. Pour déterminer l'érosion passée, les chercheurs ont mesuré les concentrations en 10Be cosmogénique dans les grains de quartz contenus par ces sédiments.

Les résultats montrent que, malgré la présence de glaciers sur les sommets, les taux d'érosion dans le bassin du Var entre 75 000 et 27 000 ans sont similaires aux taux actuels (~0.25 mm.a-1). Après avoir augmenté d’un facteur 3 à 4 au cours du dernier maximum glaciaire, ils sont redevenus stables et comparables aux taux que nous connaissons aujourd’hui durant la déglaciation et l’Holocène. En modélisant l’extension des glaciers au cours du temps, les chercheurs ont montré que l’érosion a été contrôlée par la vitesse d'écoulement des glaciers, qui résulte elle-même de la combinaison entre le climat et le relief. Ces résultats suggèrent que l'impact du climat sur l'érosion dans les Alpes est non-linéaire et piloté par la dynamique des glaciers. Ainsi, la réponse de l’érosion aux glaciations a sans doute été très contrastée au niveau mondial, voire inexistante dans certains massifs.

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Paléo-érosion des Alpes du Sud (bassin versant du Var) enregistrée par le 10Be dans les sédiments marins, en fonction des extensions glaciaires depuis 75 ka. Nos modélisations montrent que la vitesse des glaciers a contrôlé l’érosion depuis 75 ka. © Mariotti et al., 2021

Références

Nonlinear forcing of climate on mountain denudation during glaciations – Nature Geoscience, 2021

Apolline Mariotti, Pierre-Henri Blard, Julien Charreau, Samuel Toucanne, Stephan J. Jorry, Stéphane Molliex, Didier L. Bourlès, Georges Aumaître et Karim Keddadouche

https://doi.org/10.1038/s41561-020-00672-2

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Apolline Mariotti
Chercheuse au CRPG

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site Institut national des sciences de l'Univers